Le processus créatif en entreprise

Caroline Daury
6 min readApr 19, 2021

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Aujourd’hui je vous parle du processus créatif en entreprise.

Pour qu’il y ait création, il faut d’abord qu’il y ait intention. On ne crée pas dans le néant, ni dans l’absolu. La création répond à une volonté « d’aller vers ». Toujours cette quête de « sens ». Créer c’est aller dans une direction, sans savoir encore quelle direction, quel angle. A la racine de cette direction de création il y a toujours une problématique c’est-à-dire, plus simplement, une question.

C’est parce que l’on se trouve confronté à un problème, à un carrefour offrant de multiples routes possibles, que la pause s’impose à nous. Et la question naît.

Le point de départ du processus créatif est donc la confrontation à une problématique concrète ou abstraite qui nécessite comme moyen, le fait de se poser. Marquer un temps de réflexion dans la course à l’action. Ce temps, cette pause, permet de scanner le problème. C’est un temps où l’on met ses sens en éveil, où l’on perçoit son environnement. Car on sent le problème dans sa globalité avant de l’analyser. On perçoit les émotions qui alertent le cerveau et lui disent « ici il faut que tu fasses attention à la décision que tu vas prendre. Tu es à un carrefour. » Cela implique un minimum d’intuition bien-sûr, mais toute décision de création est empreinte de cette intuition première que l’on va par la suite rationaliser, analyser, décrypter pour que notre raison soit tout aussi convaincue que notre intuition.

Alors on s’empare méthodiquement de l’environnement, de l’écosystème qui englobe notre problématique. Cela peut être une analyse de marché, une analyse de notre entreprise face à ce marché, une matrice SWOT, mais aussi la cartographie des parties prenantes, leurs influences et l’étude de ce que nos pairs font, face à de telles problématiques, c’est-à-dire l’analyse de la concurrence.

En Design on s’intéressera surtout aux usages et aux usagers ; aux humains confrontés à cette problématique, à leurs besoins, leurs ressentis, où se trouve réellement les problèmes, où et pourquoi sont-ils dans la difficulté : les pain points.

Nous sommes dans la découverte.

Ces deux approches concomitantes plutôt que successives s’appellent en Design l’empathie et l’exploration.

Ainsi dans notre processus créatif, nous commençons par définir le cadre de la création. Encore une fois, on ne crée pas dans l’absolu. On trace les frontières de notre processus de création en identifiant avec qui l’on doit se mettre en empathie (nos persona), dans quel environnement (Le marché, le secteur…), et dans un second temps, dans quelle direction (formulation du challenge, formulation de la question, la problématique qui va tirer les fils de toute notre réflexion/création).

Une fois la question formulée, le challenge identifié, la montagne à gravir visualisée, le processus créatif peut commencer.

À ce stade de la création les idées fusent et partent spontanément dans tous les sens quand nous sommes dans des problématiques personnelles (exemple : comment faire manger des épinards à mon enfant qui déteste les légumes ? Les idées des parents sont généralement créatives et originales, spontanées, allant du camouflage du légume à la négociation…). En entreprise en revanche, (imaginons que nous posions un problème analogue « comme faire remplir les documents juridiques à mes clients »), nous mettons rapidement des barrières à cette spontanéité créative, par réflexe, par habitude. L’entreprise, française surtout, n’aime pas trop la spontanéité, le « dans tous les sens » et « non rationalisé ».

Ce qu’il faut se dire à ce moment-là c’est que nous ne sommes pas encore dans la production du rendu final, du livrable qui sera transmis aux décideurs. Nous sommes dans le processus. Et cette étape de divergence très large est absolument nécessaire pour réellement créer, c’est-à-dire produire quelque chose d’actuellement inexistant. C’est bien là l’objectif : sinon nous sommes dans le « re-use » qui peut aussi s’avérer très efficace. D’où l’importance de bien identifier notre problématique, notre carrefour car avant de commencer le processus créatif il faut être certain de l’utilité de s’y lancer.

Pour le savoir c’est simple : on se pose la question « Se trouve-t-on dans une problématique qui n’a pas encore trouvé de solution pour être résolue ? ». Si la réponse est oui c’est donc qu’il faut créer du « nouveau ».

Comment alors créer les conditions nécessaires à la spontanéité divergente, à l’émission d’idées de toute sorte, au brainstorming ouvert dans l’exiguïté rationnelle de l’entreprise ?

Il faut d’abord réunir les bonnes personnes :

1/ La création ne se fait pas seul avec soi-même, en entreprise. Il faut un groupe. C’est de l’échange, de la confrontation des idées simples que naissent les idées complexes (pour dépasser les concepts « tout faits », éculés). C’est ce qu’on appelle « l’intelligence collective ».

2/ Cette confrontation d’idées doit donc avoir lieu. Question simple : à votre avis si on met 7 personnes de profil absolument identique, avec les mêmes parcours, travaillant dans le même service, sur les mêmes projets, ensemble. Y aura-t-il confrontation, c’est-à-dire échange de points de vue divergents (nous cherchons la divergence pour rappel !) ? Non, bien sûr. Pour que l’échange soit fertile, il faut donc réunir des personnes différentes. D’où la fameuse constitution des groupes « multidisciplinaires».

La deuxième condition est de faire diversion en créant un espace de spontanéité. Comment obliger les gens à être spontanés pour créer. Sûrement pas en leur disant « soyez spontanés ! ».

Pour faire diversion et obliger les gens à créer sans s’en rendre compte il faut les faire jouer. La puissance du jeu chez l’être humain est encore trop méconnue. [Pour aller plus loin sur le sujet, je vous recommande la lecture de « Jouer » de l’anthropologue Roberte Hamayon]. Le jeu suit des règles qu’il faut tout d’abord bien intégrer (ex : pas de censure, interdit de critiquer une idée, rebondir sur les idées des autres… Les règles du brainstorming quoi). Et comme beaucoup ont déjà constaté la puissante efficacité du jeu dans la production d’idées en entreprise, aujourd’hui chaque type de problématique a généralement un jeu dédié existant !

C’est le principe du gamestorming qui vous orientera vers le jeu adapté à votre « carrefour ». Vous voulez définir une cible ? vous voulez creuser un sujet ? Changer d’angle d’attaque ? ou plutôt prioriser ?… Il existe un jeu pour chaque étape de la création. Depuis la grande divergence où les « crazy ideas » sont les bienvenues, jusqu’à la convergence aboutissant à la sélection des idées à mettre en œuvre.

Ainsi, vous saisissez maintenant pourquoi un processus créatif en entreprise n’est pas à prendre à la légère. Il ne suffit pas de dire : « vous avez un Lab, créez! » Ou : « vous avez tel problème, brainstormez ! ». Créer nécessite une intention claire, une formulation du challenge précis et des conditions de créativité qui sont loin d’être un hasard et ne peuvent pas s’improviser.

D’où la spécialisation de certaines entreprises dans l’animation de sessions de créativité.

Créer les conditions de la créativité et amener le groupe à produire de vraies idées (c’est-à-dire des concepts nouveaux, détaillés et réellement ad hoc) est devenu une expertise, un métier à part entière, avec ses méthodes, ses exigences issues de longues années d’expérience.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire le « game » est sérieux et très codifié. La créativité se fait dans l’effort et la persévérance, même si l’ambiance « fun » fait partie des conditions.

En bref, pour créer il faut être sérieux sans se prendre au sérieux.

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Caroline Daury
Caroline Daury

Written by Caroline Daury

Depuis 16 ans, j’accompagne entreprises et individus dans la conduite du changement, la transformation et l’innovation

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